Pr. Amine LAGHIDI
DG North Star Consulting Group
Ex DGA chez Ap Moller Maersk
Group
Expert International
Hub, Trois lettres magiques forment ce mot devenu une constante dans les plus
grands forums mondiaux de Davos aux BRIC. Il est Impossible de parler de
commerce international sans parler de « hub », impossible de faire de
la logistique et encore moins de la Supply chain Management sans se baser sur
des hub, et biensur impossible de penser à la finance internationale sans que
des hubs financiers tels que Singapore,
Hong Kong, Londres… ne soient omni présent dans la discussion!
Et pourtant ce mot si Magique aujourd’hui, tient des origines si Modestes dans
la langue anglaise, ses origines remontant au 16ième siècle, il désignait une
plaque de métal présente au milieu des cheminées que l’on utilisait pour cuire
les repas… plaque de matériaux modestes, certes, mais centrale pour tout foyer,
cette notion de « centralité » demeurera inhérente au hub jusqu’à nos
jours… dans une autre version, l’origine du mot provient du centre dynamique
d’une roue… cette notion de « dynamisme » et d’action continue est
elle aussi à constituer une composante essentielle et caractérielle du mot hub
jusqu’à nos jours…
Cependant il fallut attendre la 2ième
partie du 20ième siècle pour que ce mot prenne toute son ampleur actuelle. après
la 2ième guerre mondiale, bon nombre de notions migrèrent de l’industrie
militaire vers le civil, notamment celles visant l’utilisation de technique
d’optimisation inspirées des Fonctions Mathématiques ou de concepts de la
physique en vue d’avoir un maximum de rationalité et d’efficience dans les opérations
de grandes envergures..
Comprendre le mot hub dans sa dimension
originel, c’est comprendre également toute son importance aujourd’hui.
Initialement l’Ancêtre du modèle
« Hub and Spoke » que l’on peut traduire littéralement par centre et
rayons (d’une roue) visait lors de la Deuxième guerre mondiale, à concentrer l’ensemble
des ravitaillements (munitions armes..) provenant de plusieurs sites de
productions éparpillés sur le territoire Américain, en un seul point focal, ou
ces « supplies » sont réunies, stockés avant d’être envoyée d’une
manière « massifiée » et consolidée de l’autre côté de l’Atlantique
vers un Autre point focal, basé lui en Europe , où elles seront de nouveau
stockées momentanément avant leur renvoi final vers des « centres de
distributions » plus proches des opérations et donc du front.
Ce modèle permettait à l’époque
une traversée plus sécurisée de l’Atlantique grâce à une massification des flux
et donc de leur moyens de protections essentiellement contre les Sous-Marins
Allemands communément appelés U boot ou Untersee boot. Plus de concentrations / massification devenait donc synonyme de
sécurité contre les pertes mais également d’efficience, car le transport étant
effectué par des bateaux cargos plus grands, devenait tout d’un coup moins
couteux à la tonne.
La fin de la Deuxième guerre
mondiale ordonna le début d’une nouvelle ère pour l’économie mondiale, une ère caractérisée
par l’intensification des échanges intercontinentaux et leur complexité, ce qui
catalysa un shift stratégique dans l’industrie du transport mondial.
Deux industries Majeures en profitèrent :
1/l’Industrie Aérienne à partir des années 50 : Grace à
des pionniers tels que Delta Airlines, qui appliqua le « Hub and Spoke
Model » sur l’ensemble de ses vols à destination de l’Europe, en utilisant
des plates-formes Tournantes telles l’Aéroport d’Atlanta en Géorgie. La
maitrise de cette technique, procura à Delta un avantage majeur sur ses
concurrents principalement grâce à une économie des couts et à une maitrise
draconienne des processus des vols et des connexions, devenues
industrialisables.
2/ une Autre Industrie profita elle aussi de cette technique :
A savoir l’industrie Maritime, qui mérite un zoom spécial, eu égard à
la place qu’elle occupe dans le cadre des échanges intercontinentaux (90% des échanges
commerciaux entre les continents se font par voie maritime).
Jadis largement dominée par le transport en « Vrac » et le
« Tramping » (Transport Vagabond ou à la demande), caractériels tous les deux d’une irrégularité
des départs, irrégularités des temps de transports (Transit time), non
optimisation des couts de transport (y compris des couts portuaires et
logistiques), mais également de risques d’altération et de pertes de la
marchandise aussi bien lors du transport que lors de la manutention portuaire
et hors portuaires… l’industrie
Maritime, ou Shipping Industry allait connaitre un shift majeur avec l’introduction
de la conteneurisation et du « Liner transportation» qui offrait
des solutions simples aux problèmes du Tramping à savoir : Un départ fixe,
une durée de Transport fixe, et des conteneurs de tailles standards qui
permettent une meilleure protection de la marchandise lors du transport et de
la manutention, mais aussi une manipulation plus rapide et plus efficace lors
du transbordement et surtout une synchronisation majeure avec les autres moyens
de transport lors des opérations intermodales & multimodales: du bateau
vers le train, le camion…
Tout comme pour l’aérien, le
Nouvel enjeu des compagnies maritimes était donc de garantir une meilleure
fluidité des échanges, une massification des flux de transports, une réduction
des temps passés en mer et dans les ports (Service, Manutention…) et surtout
une non interruption du processus.
Dans le même esprit que le modèle Hub & spokes, les entreprises maritimes partagèrent
leur flotte en deux composantes : Des Mother Vessels et Des Feeder Vessels.
- Les Mother Vessels véritables monstres des mers,
n’était déployés que sur les plus grandes routes maritimes et assurait un
service régulier et rotatoire, Ces bateaux connurent une augmentation énorme de
leur taille ainsi que de leur capacité de transport. En guise d’exemple de
cette évolution, Les Bateaux de Maersk Line, Leader mondial du maritime, passèrent
d’une capacité individuelle de transport de 1200 EVP (Equivalent Vingt Pieds)
pour ses Classe A déployés en 1975, à plus de 18 000 EVP pour ses
nouvelles classes E ! C’est vous dire la progression ! Les Mother
Vessels jouaient le rôle de Connecteurs entre l’Ensemble des Hub et ports
majeurs constituant la route Maritime.
- Les Feeder Vessels : de taille moins impressionnante
que celle des Mother Vessels, se chargeant de connecter le Hub à un ensemble de
ports domestiques ou de moindre importance. La taille de ces bateaux portes
conteneurs elle aussi a du progresser en vue de suivre la croissance du trafic
commercial mondial ainsi que la taille des Mother Vessels.
Cette évolution de la taille et des performances du trafic
maritime mondial eu un impact crucial sur l’économie du globe, créant ainsi de
nouvelles opportunités dans le commerce international. Mais qui dit nouvelles
opportunités, dit également de nouvelles exigences : Les Ports hub, durent
s’adapter eux aussi aux exigences des armateurs et des compagnies maritimes, la
rapidité des opérations de chargement et de déchargements, les caractéristiques
physiques du port en terme de Profondeur (plus de 18m sont exigées aujourd’hui
pour accueillir des Mother vessels de la Classe Emma Maersk ou Marco Polo de
chez CMA CGM), la protection du port, son balisage, mais aussi les services
offerts aux navires : Pilotage, Remorquage, Ravitaillement, Lamanage,
Sureté…
Malgré ces exigences de plus en plus drastiques, qui exigent de tout port de
taille mondiale un développement continu en vue de suivre l’évolution de l’industrie
du transport maritime et malgré la concurrence agressive entre les hubs
maritimes mondiaux… l’enjeu en vaut toujours la chandelle et largement, car si les
ports hub demeurent moins rentables que les aéroports, le niveau des volumes
traités leur procure un avantage majeure de taille. Les ports sont une source
de création d’emploi pour toute une nation, des emplois directs dans tous ce
qui est métiers portuaires et maritimes, mais également indirects dans
l’industrie, la logistiques… car avoir un hub « chez soi » c’est
éviter le cout et les retards liés à l’utilisation d’un feeder vessel qui
connecte vos ports domestiques à un autre hub. Plus de de 30 à 40 % d’économies
directes sur le cout du transport maritime sont à espérer de manière instantanée,
plus d’ouverture vers de nouveaux marchés et une meilleurs compétitivité pour
l’économie nationale… sans oublier l’impact bénéfique sur le pouvoir d’achat du
citoyen marocain.
C’est dans ce contexte là que le
Maroc a entrepris la mise à niveau de ses infrastructures Portuaires en vue de
répondre d’une part aux opportunités qu’offrait le marché du transport
international mais aussi aux aspirations de notre économie nationale.
Le Maroc un Hub Logistique pour
l’Afrique : le développement du port de Tanger Med a eu un impact majeur
sur le repositionnement du royaume en tant que véritable plaque tournante de la
logistique régionale et internationale. Port le Mieux Connecté d’Afrique, Port
disposant d’une capacité de stockage de conteneurs égale au port de Rotterdam
(plus grand port Europe, et modèle type du hub port). Le Port de Tanger Med,
naquit de la Vision d’un Roi, SM. Mohamed IV,
qui voulait doter le pays d’un instrument stratégique au service de son développement.
Aujourd’hui le port est une réussite
et le Maroc est au cœur de deux (2) lignes maritimes majeurs l’une par son trafic :
à savoir la ligne Asie-Europe, et la deuxième par sa rentabilité : la
ligne maritime Europe Afrique, qui en pleine période de crise économique (en
2007) resta l’une des lignes les plus rentables dans le monde entier, une ligne
refuge pour les plus grands groupes maritimes mondiaux pour compenser leurs
pertes sur d’autres lignes classiques telles que la ligne Pacifique et la ligne
Atlantique.
Le Maroc a donc réussit sans aucun doute à se démarquer en tant que Hub
Maritime Africain par excellence, une Excellence qui se renforcera par le
lancement d’une nouvelle série de ports : Nador West Med, Kenitra
Atlantique… et qui gagnera en ampleur
avec l’investissement Direct du Maroc dans le développement des port d’Afrique
de l’Ouest et d’Afrique Centrale, voir Australe, car le succès d’un Hub c’est
également le succès des sous hubs régionaux qu’il connecte (Gabon, Cote
d’Ivoire, Guinée, Sénégal…). Cependant la transformation de notre Pays en Hub
Logistique Africain est encore à opérer même si les bonnes bases sont déjà là.
Pour comprendre les modalités
de ce shift une lecture à deux niveaux est nécessaire:
A/ Le Maroc en tant que Hub Logistique
vers l’Afrique : Aujourd’hui il faut penser différemment ;
Avoir des infrastructures c’est excellent, recevoir les plus grandes compagnies
maritimes est une fierté, mais le potentiel de développement est encore
grand. Aujourd’hui il faut développer
des services à fortes valeur ajoutée adaptés au contexte portuaire :
Assurance, Documentations, Transit, Conseil, certifications…
Aujourd’hui il faut développer
le service aux bateaux : cales sèches, ravitaillement.
Aujourd’hui il faut renforcer la flotte et le Pavillon Marocain !
Aujourd’hui il faut développer
les Zones Logistiques autour des ports, car si le transport de masse est disponible, encore faut-il développer le
stockage en masse au Maroc avec les services qui lui sont inhérents : Labellisation,
packaging, stockage sous douane… Et attirer des structures de tailles
internationales et les encourager à utiliser la Maroc comme zone de distribution
et de stockages à destination de l’Afrique, ce qui leur permettrait plus de
flexibilité et d’agilité dans leur Supply Chain (en adaptant l’offre aux
besoins de chaque pays), tout en encourageant l’émergence d’acteurs nationaux
de grande taille et offrant un large éventail de services Logistiques également.
Le Maroc en profitera de par la création d’emplois, le développement de son
offre logistique aussi bien nationale qu’internationale, la mise à niveau de
ses structures et des standards, et surtout un meilleur retour sur
investissement de ses investissements et de ses installations. L’Afrique sera gagnante
par l’Amélioration de l’offre qui lui est destinée également.
B/ Le Maroc en tant que Hub de l’Afrique Vers le Monde :
Le Maroc a entrepris une Démarche ambitieuse et un modèle de coopération sud-sud des plus dynamiques. Aujourd’hui il
est temps d’aider l’Afrique à bâtir une économie durable également et à sortir
de la surexploitation de ses ressources. Il est temps de voir la Maroc comme
une plateforme de Valorisation des produits en provenance de l’Afrique de part les manières
suivantes :
- Valorisation Logistique pure : En
massifiant les différents flux en provenance du Maroc avant de les envoyer vers
leurs marchés cibles, permettant ainsi une meilleure optimisation de la
variable transport. Mais aussi en offrant d’autres services logistique additionnels
permettant la mise en valeur des produits Africains : Stockages, Trading,
Services spéciaux (fumigation par exp…).
- Valorisation Semi Industrielle et
industrielle : Transformation du Minerai, du bois, raffinage du pétrole… notamment
au Niveau du Nouveau Port de Nador West Med qui dispose d’un important foncier
à exploiter.
- Valorisation Logistico-Marketing (Meilleur commercialisation
des produits Africains, Trading, Distribution, Mise en Valeur des produits en
provenance du continent…)
Au-delà de cet aspect Logistique
des plus riches, d’autres dimensions de Hub sont à ajouter à « l’offre Hub
Maroc » :
Hub Financier pour l’Afrique : Réunissant grâce à
la CFC (Casablanca Finance City) les principaux mécanismes de Financements
privés, publiques et institutionnels (BAD
50 fund, NASDAQ, Banques…) ainsi qu’un important microsome de
services ; Conseil, Ingénierie Financière, Assurances, Fonds de Garanties,
Sièges de Multinationales !
Et Pourquoi pas des entreprises
d’Audit purement Marocaines ou Africaines ! Véritables garantes d’un modèle
d’influence Maroco Africain ! Et osons pousser nos aspirations vers des
Agences de Notations, de certifications… adaptées au contexte National et
continental ! À chaque continent ses besoins et son modèle de Développement,
et l’Afrique a certainement le droit d’avoir le sien.
Hub Cognitif : savoirs, ingénierie, Intelligence économique,
Marketing… imprégnées de la touche marocaine et destinées à être partagées avec
nos amis africains.
Portail Culturel : d’un point de vue business/
Industrie culturelle, mais aussi d’un point de vue soft power: une culture
Marocaine qui fait la promotion des valeurs de tolérance, d’ intégration et de partage…
par opposition à la culture d’extrémisme, d’exclusion et de surexploitation des
richesses du continent, un hub culturel qui fait la promotion d’une Afrique
Nouvelle, aspirante et indépendante, mais ouverte à des partenariats étrangers
solides et Win-Win.
Nous reviendrons à ces 3 derniers
points dans un prochain article.